US News Report #7: Let's switch...Gonzalez at the World Bank
La presse américaine et internationale ont suivi ces dernières semaines deux affaires qui, si elles ont en commun de concerner des personnalités politiques proches du président Bush, ne semblaient pas avoir grand-chose d'autre en commun.
Il s'agit, d'une part, du scandale qui a éclaboussé le ministre de la Justice américain Alberto Gonzalez, mis en cause pour avoir "laissé" son chef de cabinet, en accord avec une conseillère de la Maison Blanche, limoger en masse des procureurs. Les députés nouvellement élus au Congrès, devenu à majorité démocrate, se sont inquiétés de connaître les éventuelles motivations politiques de ces limogeages. Pour rappel des faits, en décembre 2006, huit procureurs généraux des Etats-Unis ont été poussés à la démission par l'administration de la justice, sous couvert de critiques concernant leurs aptitudes professionnelles, et plus généralement, leurs résultats (ou "performances"). Cette affaire a cristallisé les oppositions entre le Congrès, le Sénat - où même des républicains ont refusé de plébisciter la décision - et la Maison Blanche, soupçonnée d'avoir directement inspiré le limogeage collectif envers des procureurs qui n'ont, à son goût, pas été assez assidus dans leur fidélité envers certaines lignes de conduites chères à l'administration Bush. Pour exemple, l'une des procureurs s'est vu reprocher son attitude jugée trop laxiste envers les immigrants illégaux, tandis que d'autres ont fait état de pression d'élus républicains qui désiraient les voir enquêter sur la légalité des donations électorales perçues par des démocrates. Plusieurs personnalités du ministère de la justice, dans la foulée des auditions parlementaires, ont déjà présenté leur démission. Alberto Gonzalez lui-même est loin d'avoir convaincu lors de son entrevue avec la commission habilitée à l'entendre, passant à l'occasion du "je ne me souviens plus" au "je n'en ai pas été informé".
Il faut préciser que les procureurs généraux des Etats-Unis sont appointés selon un calendrier politique, et occupent des fonctions appelées à donner des orientations stratégiques à l'administration qu'ils supervisent. C'est pourquoi la pratique qui consiste à ne pas renouveler le mandat de certains procureurs n'est pas rare lors d'un changement d'administration à la Maison Blanche. Pour exemple, Bill Clinton, au début de son premier mandat, avait pratiquement délogé tous les procureurs en place pour en investir d'autres plus proches de ses vues. Mais le fait d'oeuvrer à en limoger en masse, si près de la fin d'une seconde présidence, est un fait inédit. Il ne s'est jamais trouvé, apparemment, un président qui ait pensé à limoger collectivement des procureurs pendant son second mandat - et son dernier, selon les lois américaines. Davantage que le limogeage même, il s'agit donc de la façon dont cela ait été fait - en connection directe avec les directives de la Maison Blanche - qui a réellement scandalisé. Des e-mails entre Harriet Miers, ancienne conseillère à la présidence, et le chef de cabinet d'Alberto Gonzalez, entre autres, ont été filtrés dans la presse: ils révélaient, dès 2005, une claire intention de procéder à un limogeage collectif, si possible de tous les procureurs des Etats-Unis (ce à quoi il a été répondu "ce sera difficile"...), du moins d'un certain nombre d'entre eux. Et ce, conformément à une volonté qui n'est clairement pas celle de Mme Miers seule
D'autre part, l'on a pu assister récemment au déballage, dans la presse toujours, des supposées manoeuvres de Paul Wolfowitz, président de la Banque Mondiale, bien connu pour son plaidoyer en faveur des pays africains, sa politique de bonnes pratiques et de transparence absolue... et sa mésentente totale, depuis ses débuts, avec le personnel de la Banque Mondiale. Parachuté à la tête de cette institution par la volonté du président Bush et les grâces du système instauré au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec les Européens (qui ont le droit de choisir le président du FMI, en échange aux Américains de désigner le président de la Banque mondiale), Wolfowitz n'est ni un expert du développement ni un banquier de profession - compétences auxquelles on devrait être en droit de s'attendre d'un candidat à une telle position. Il a été conseiller à la sécurité et à la défense pour la Maison Blanche, puis vice-secrétaire à la défense (ajoint de Donald Rumsfeld) avant d'entrer en tant que président à la Banque mondiale en 2005. Sa nomination avait à l'époque soulevé quelques oppositions: son accomplissement politique le plus connu alors restait son travail en faveur de l'invasion de l'Irak. La tourmente dans laquelle Wolfowitz est impliqué à présent, et à cause de laquelle il présentera sa démission en juin, concerne une affaire de supposée clientélisme: le montant astronomique du dédommagement et de l'augmentation de salaire accordés à sa compagne, Mme Shaha Riza, qui travaillait pour la Banque mondiale lors de son arrivée. Pris dans un conflit d'intérêts, Wolfowitz a alors proposé de "déplacer" Mme Riza, experte aux compétences hautement reconnues dans son domaine, au Département d'Etat américain. Intention qui serait louable, si l'information sur la procédure n'avait été aussi peu partagée, notamment par la commission éthique de la Banque. Et si le salaire de Mme Riza, après ce détachement, n'avait pas dépassé celui de la Secrétaire d'Etat Condolezza Rice elle-même... Poussé par les alliés européens et lâché par le personnel de la Banque, Wolfowitz, au bout d'un long processus de mise en examen entamé par le Conseil d'administration de la Banque, a finalement annoncé sa démission.
Et la Maison Blanche a déclaré alors qu'elle allait le remplacer au plus vite. Sans doute pour ne pas laisser trop monter les voix réclamant la fin du système de désignation américaine automatique, et demandant que l'on prenne en compte de nouveaux pays (et donateurs) émergents, tels que le Brésil ou l'Inde, dans le choix de la présidence. Parmi les noms américains cités en ce moment, l'on retrouve par exemple celui de Robert Zoellick, l'ancien représentant américain au commerce extérieur, celui du président de l'université de Yale, ou encore celui d'un ancien leader de la majorité républicaine au Sénat. Une chose est sûre: les autres pays actionnaires de la Banque aussi bien que le personnel de la Banque prôneront certainement, après cette déplorable publicité pour la Banque, une gestion irréprochable et un professionnel d'une grande compétence. Et ce, afin de conserver à l'institution sa réputation et sa crédibilité.
Et c'est là que nos deux affaires, comme par miracle, se rejoignent: voici qu'un article belge suggère que la Maison Blanche pourrait aussi bien penser, pour la présidence de la Banque mondiale... à son pion perdant du moment, à savoir Alberto Gonzalez!
Aussi minces que soient les probabilités données pour que cette nomination d'un proche de Bush poussé à la démission par les membres de son propre parti, l'on connaît les obstinations de l'administration américaine actuelle à n'en faire qu'à sa tête, au mépris de leurs partenaires au niveau international. Il est à espérer que les dirigeants des autres pays actionnaires de la Banque sauront faire preuve de fermeté, et surtout de cohérence, dans la future procédure de nomination.
Il s'agit, d'une part, du scandale qui a éclaboussé le ministre de la Justice américain Alberto Gonzalez, mis en cause pour avoir "laissé" son chef de cabinet, en accord avec une conseillère de la Maison Blanche, limoger en masse des procureurs. Les députés nouvellement élus au Congrès, devenu à majorité démocrate, se sont inquiétés de connaître les éventuelles motivations politiques de ces limogeages. Pour rappel des faits, en décembre 2006, huit procureurs généraux des Etats-Unis ont été poussés à la démission par l'administration de la justice, sous couvert de critiques concernant leurs aptitudes professionnelles, et plus généralement, leurs résultats (ou "performances"). Cette affaire a cristallisé les oppositions entre le Congrès, le Sénat - où même des républicains ont refusé de plébisciter la décision - et la Maison Blanche, soupçonnée d'avoir directement inspiré le limogeage collectif envers des procureurs qui n'ont, à son goût, pas été assez assidus dans leur fidélité envers certaines lignes de conduites chères à l'administration Bush. Pour exemple, l'une des procureurs s'est vu reprocher son attitude jugée trop laxiste envers les immigrants illégaux, tandis que d'autres ont fait état de pression d'élus républicains qui désiraient les voir enquêter sur la légalité des donations électorales perçues par des démocrates. Plusieurs personnalités du ministère de la justice, dans la foulée des auditions parlementaires, ont déjà présenté leur démission. Alberto Gonzalez lui-même est loin d'avoir convaincu lors de son entrevue avec la commission habilitée à l'entendre, passant à l'occasion du "je ne me souviens plus" au "je n'en ai pas été informé".
Il faut préciser que les procureurs généraux des Etats-Unis sont appointés selon un calendrier politique, et occupent des fonctions appelées à donner des orientations stratégiques à l'administration qu'ils supervisent. C'est pourquoi la pratique qui consiste à ne pas renouveler le mandat de certains procureurs n'est pas rare lors d'un changement d'administration à la Maison Blanche. Pour exemple, Bill Clinton, au début de son premier mandat, avait pratiquement délogé tous les procureurs en place pour en investir d'autres plus proches de ses vues. Mais le fait d'oeuvrer à en limoger en masse, si près de la fin d'une seconde présidence, est un fait inédit. Il ne s'est jamais trouvé, apparemment, un président qui ait pensé à limoger collectivement des procureurs pendant son second mandat - et son dernier, selon les lois américaines. Davantage que le limogeage même, il s'agit donc de la façon dont cela ait été fait - en connection directe avec les directives de la Maison Blanche - qui a réellement scandalisé. Des e-mails entre Harriet Miers, ancienne conseillère à la présidence, et le chef de cabinet d'Alberto Gonzalez, entre autres, ont été filtrés dans la presse: ils révélaient, dès 2005, une claire intention de procéder à un limogeage collectif, si possible de tous les procureurs des Etats-Unis (ce à quoi il a été répondu "ce sera difficile"...), du moins d'un certain nombre d'entre eux. Et ce, conformément à une volonté qui n'est clairement pas celle de Mme Miers seule
D'autre part, l'on a pu assister récemment au déballage, dans la presse toujours, des supposées manoeuvres de Paul Wolfowitz, président de la Banque Mondiale, bien connu pour son plaidoyer en faveur des pays africains, sa politique de bonnes pratiques et de transparence absolue... et sa mésentente totale, depuis ses débuts, avec le personnel de la Banque Mondiale. Parachuté à la tête de cette institution par la volonté du président Bush et les grâces du système instauré au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec les Européens (qui ont le droit de choisir le président du FMI, en échange aux Américains de désigner le président de la Banque mondiale), Wolfowitz n'est ni un expert du développement ni un banquier de profession - compétences auxquelles on devrait être en droit de s'attendre d'un candidat à une telle position. Il a été conseiller à la sécurité et à la défense pour la Maison Blanche, puis vice-secrétaire à la défense (ajoint de Donald Rumsfeld) avant d'entrer en tant que président à la Banque mondiale en 2005. Sa nomination avait à l'époque soulevé quelques oppositions: son accomplissement politique le plus connu alors restait son travail en faveur de l'invasion de l'Irak. La tourmente dans laquelle Wolfowitz est impliqué à présent, et à cause de laquelle il présentera sa démission en juin, concerne une affaire de supposée clientélisme: le montant astronomique du dédommagement et de l'augmentation de salaire accordés à sa compagne, Mme Shaha Riza, qui travaillait pour la Banque mondiale lors de son arrivée. Pris dans un conflit d'intérêts, Wolfowitz a alors proposé de "déplacer" Mme Riza, experte aux compétences hautement reconnues dans son domaine, au Département d'Etat américain. Intention qui serait louable, si l'information sur la procédure n'avait été aussi peu partagée, notamment par la commission éthique de la Banque. Et si le salaire de Mme Riza, après ce détachement, n'avait pas dépassé celui de la Secrétaire d'Etat Condolezza Rice elle-même... Poussé par les alliés européens et lâché par le personnel de la Banque, Wolfowitz, au bout d'un long processus de mise en examen entamé par le Conseil d'administration de la Banque, a finalement annoncé sa démission.
Et la Maison Blanche a déclaré alors qu'elle allait le remplacer au plus vite. Sans doute pour ne pas laisser trop monter les voix réclamant la fin du système de désignation américaine automatique, et demandant que l'on prenne en compte de nouveaux pays (et donateurs) émergents, tels que le Brésil ou l'Inde, dans le choix de la présidence. Parmi les noms américains cités en ce moment, l'on retrouve par exemple celui de Robert Zoellick, l'ancien représentant américain au commerce extérieur, celui du président de l'université de Yale, ou encore celui d'un ancien leader de la majorité républicaine au Sénat. Une chose est sûre: les autres pays actionnaires de la Banque aussi bien que le personnel de la Banque prôneront certainement, après cette déplorable publicité pour la Banque, une gestion irréprochable et un professionnel d'une grande compétence. Et ce, afin de conserver à l'institution sa réputation et sa crédibilité.
Et c'est là que nos deux affaires, comme par miracle, se rejoignent: voici qu'un article belge suggère que la Maison Blanche pourrait aussi bien penser, pour la présidence de la Banque mondiale... à son pion perdant du moment, à savoir Alberto Gonzalez!
Aussi minces que soient les probabilités données pour que cette nomination d'un proche de Bush poussé à la démission par les membres de son propre parti, l'on connaît les obstinations de l'administration américaine actuelle à n'en faire qu'à sa tête, au mépris de leurs partenaires au niveau international. Il est à espérer que les dirigeants des autres pays actionnaires de la Banque sauront faire preuve de fermeté, et surtout de cohérence, dans la future procédure de nomination.
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